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Le Mystère Du Livre
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Le Mystère Du Livre

Le Mystère du Livre

Angelo Grassia

Copyright © 2017

Tous les droits sont réservés Première édition : mars 2017 Traduction de : Stephanie Carriere-Peyre Éditeur : Tektime

Parfois, des choses et des faits inexplicables surviennent dans la vie .

1

Lorsque Paki se réveilla ce matin du 9 août 2016, il ne savait pas encore que cette journée serait très particulière. Il était en vacances depuis une semaine et, comme tous les étés depuis presque vingt ans, il s’était rendu en villégiature à Formia, un bel endroit touristique dans la province de Latina. Il avait l’habitude de descendre à la plage avec sa femme et ses trois enfants avant midi. Ils allaient toujours au Lido Viareggio, situé dans la magnifique baie de Serapo à Gaète. La plage de Serapo est la plage principale de la ville. Elle est composée de sable très fin et blanc, et s’étale sur un kilomètre et demi. Elle est bordée au sud par le Mont Orlando et le Sanctuaire de la Montagne Spaccata, et au nord par un autre promontoire légèrement plus bas. Cette position rend l’eau particulièrement claire dans cette zone. On peut aussi admirer depuis la plage un récif remarquable en forme de navire, surnommé à ce titre « Navire de Serapo », à la faune et la flore marines riches.

Pourtant ce matin-là, Paki décida de procéder différemment. En fait, il était plutôt d’un tempérament matinal et il en avait assez d’attendre que sa famille se prépare pour descendre à la plage. À huit heures, il enfourcha donc sa Vespa 50 et se rendit seul à Gaète. Il s’arrêta au bar Bazzanti, un bar caractéristique rempli de touristes en période estivale, s’installa à une table située sous la véranda à l’extérieur du local et commanda un croissant et un cappuccino. Son petit-déjeuner terminé, il sortit frénétiquement de sa poche son habituel paquet de Marlboro rouges et il commença à savourer la première cigarette de la matinée. Il était redevenu un fumeur invétéré. Dix ans plus tôt, il avait complètement arrêté car il s’était réveillé une nuit avec une douleur très forte dans la poitrine. Il avait pensé que c’était un banal rhume, mais sa femme sage et prudente fit des pieds et des mains pour le conduire aux urgences. Paki ne voulait pas s’y rendre mais, vu l’insistance de sa femme, il lui promit de s’y faire accompagner dès qu’il aurait fumé une autre cigarette car il était conscient qu’il ne pourrait plus fumer pendant quelques jours une fois à l’hôpital.

On lui diagnostiqua un infarctus et il subit immédiatement une intervention d’angioplastie avec pose d’un stent car une de ses artères était bouchée à 99 %. Il fut sauvé par miracle et il cessa de fumer simplement pour cette raison. Il avait réussi à ne pas toucher une seule cigarette pendant plus de six ans, puis il avait repris cette mauvaise habitude comme un imbécile. Il venait à peine d’allumer sa cigarette lorsque son regard fut attiré par une silhouette féminine qui se dirigeait vers une table du bar. C’était une femme d’âge moyen, encore jolie. Elle portait un short en jean qui laissait entrevoir toute la beauté de ses jambes bronzées, alors qu’en haut une chemisette à rayures laissait transparaître une poitrine belle et généreuse. Elle avait des espadrilles aux pieds et elle portait une glacière sac-à-dos sur ses épaules et un sac de plage dans la main droite. Paki observa la scène par curiosité pendant quelques minutes parce qu’il la voyait chanceler sous le poids trop important qu’elle portait. Il suivit la femme du regard jusqu’à ce qu’elle arrive à la table. Il la regarda déplacer la chaise pour s’asseoir et, à moitié épuisée, elle suspendit au dossier la glacière du côté droit et le sac de plage du côté gauche. Elle se tourna ensuite face à la table et se prépara à s’asseoir mais, au même moment, la chaise derrière elle se renversa sous le poids trop lourd des sacs. Paki cria : « Attention ! ». Trop tard, la belle dame était déjà étendue par terre. Paki la rejoignit en un instant et l’aida à se relever. La femme se retrouva toute étonnée devant le geste galant de Paki et, pour le remercier, elle l’invita à s’asseoir à sa table. Paki accepta volontiers l’invitation, d’autant que cette femme splendide, en plus d’être charmante, se révéla fort sympathique en ironisant sur ce qui s’était passé. La femme lui dit qu’elle s’appelait Sabrina et qu’elle venait de Rome. Puis elle ajouta : « J’ai vu des stands sur Lungomare Caboto, y aurait-il un marché aux antiquités par hasard ?

- Peut-être, répondit Paki. Le marché aux antiquités, de véritables antiquités, se faisait il y a vingt ans. Il n’était pas sur Lungomare Caboto, mais dans une petite rue derrière le Sanctuaire de la Santissima Annunziata. C’est justement là que se trouve aussi la Chapelle de l’Immacolata Concezione, la « Grotta d’Oro » dans laquelle, le 8 décembre 1854, le pape Pie IX eut l’idée de proclamer le dogme homonyme. Alors là oui, il faisait bon se balader dans cette ruelle où on pouvait vraiment trouver de très belles choses. Aujourd’hui au contraire, on ne trouve que des objets artisanaux et de la quincaille en tout genre. C’est pour cette raison que je ne m’y arrête plus depuis des années, je préfère les autres marchés. »

Sabrina le regardait, fascinée. Elle le regardait avec des yeux grands ouverts et un sourire imprimé sur le visage. On voyait à des kilomètres que Paki plaisait à Sabrina. Mais aussi parce que, malgré son âge avancé, il était encore un homme attirant avec ses cheveux grisonnants, ses épaules larges, ses pectoraux bien dessinés et le duvet gris qui descendait sur son torse.

Paki comprit la situation et, pendant qu’il la fixait dans les yeux, il commença à enlever lentement son alliance de son doigt, puis il la posa sur la table et commença à jouer avec. Il la fit tourner deux fois comme une toupie en observant le scintillement qu’elle dégageait, puis il la reprit et l’enfila à nouveau.

Il utilisait ce jeu en général comme passe-temps, mais pas en cette occasion. En ce moment, ce geste insignifiant voulait faire comprendre à Sabrina qu’il était heureux en ménage et qu’il ne trahirait jamais sa femme.

Sabrina baissa en effet les yeux un instant et changea d’expression. Mais la seconde d’après, elle était de nouveau joyeuse et souriante, comme si rien ne s’était passé.

La conversation continua de manière plaisante pendant les vingt minutes suivantes, riche en regards admiratifs et en sourires lumineux de la part de Sabrina.

Paki se rendit compte que cette simple rencontre aurait pu se transformer en quelque chose de plus qu’une simple amitié, et, afin d’éviter de céder à la tentation, il regarda l’heure et s’exclama : « Il se fait tard ! Excuse-moi Sabrina mais je dois vraiment y aller. »

Ils se saluèrent, tous les deux ravis d’avoir fait une surprenante rencontre causée par une banale chute.

Paki monta sur sa Vespa 50 et se dirigea vers la plage Viareggio pour la traditionnelle journée sur le sable.

Durant le trajet, il sentait encore son coeur battre très fort. Ces battements rapides révélaient la grande émotion que Paki avait ressentie à cause du charme de Sabrina. Peut-être était-il tombé amoureux ? Non, mais il était tout de même très troublé. Il pensait à ses yeux verts aux contours noisettes qui l’avaient littéralement foudroyé. Les femmes aux yeux verts sont en général considérées comme particulièrement fascinantes, mais les yeux de Sabrina avaient quelque chose d’indescriptible. Tout à coup, il se rappela une légende qu’il avait entendue à l’école quand il était enfant : « La légende des Nymphes ». Elle racontait en fait que les personnes aux yeux verts descendaient des Nymphes des lacs. Les Nymphes étaient de très belles divinités féminines qui étaient l’objet de désir de tout homme. Il suffisait de les regarder dans les yeux pour se retrouver ensorcelé, tout comme cela s’était produit avec Sabrina. L’émotion qu’il éprouvait était tellement forte qu’il décida de s’arrêter et de boire une gorgée d’eau.

2

Paki rejoignit la plage et, comme tous les matins, allongé sous le parasol, il commença la lecture des divers quotidiens. Il s’était calmé à présent, et l’effet Sabrina avait presque disparu. Seules ses lèvres sèches ressentaient encore le désir de goûter à la douceur et au parfum des lèvres fraîches et veloutées de Sabrina. D’habitude, il restait sur la plage jusqu’à dix-neuf heures avec sa famille, mais aujourd’hui, à cause de la chaleur trop forte, il décida de rentrer chez lui plus tôt. Il voulait aussi s’allonger au frais sur la terrasse de sa maison qui avait une vue panoramique sur le Golfe de Gaète. Il aimait beaucoup regarder les ferries qui allaient et venaient depuis Ponza, mais il appréciait aussi le spectacle des Canadairs dans le ciel (ces petits avions jaunes qui prennent l’eau de la mer pour éteindre les incendies qui se déclarent dans les montagnes à proximité). Il s’amusait comme un gosse en observant les avions qui volaient au ras des toits de la ville, qui arrivaient sur les montagnes pour lâcher l’eau sur les flammes, puis qui repartaient vers la mer pour se ravitailler. Parfois, lorsqu’ils passaient au-dessus de sa terrasse, ils laissaient tomber des gouttelettes d’eau salée qui procuraient un peu de fraîcheur.

À quatre heures donc, il quitta la plage pour rentrer chez lui. Alors qu’il parcourait Lungomare Caboto, il vit les chapiteaux traditionnels du marché aux antiquaires, ou plutôt du marché aux puces, vu que l’on ne trouvait plus de vraies antiquités de nos jours. Ce marché, qui se tenait habituellement une fois par mois ou par semaine, devenait quotidien en cette période du mois d’août. Lui qui était un grand passionné de ces marchés (parce qu’il espérait toujours dénicher un Van Gogh ou un Picasso, ce qui ne lui était malheureusement jamais arrivé), il savait que celui-ci n’était pas un marché d’antiquités, mais plutôt un simple marché de babioles sans valeur. Il décida donc de poursuivre son chemin. Pourtant, une fois dépassé le dernier étal, il sentit quelque chose dans son coeur qui le poussa à s’arrêter. Peut-être était-ce la perspective de rencontrer à nouveau Sabrina ? Sans même s’en rendre compte, il se retrouva à faire demi-tour et à revenir vers le premier étal. Il gara sa Vespa et se dirigea tranquillement vers le marché pour jeter un œil. Comme il déambulait à travers les étals, il aperçut de loin un tableau qui représentait les quatre saisons du maître Giuseppe Ciavolino, un peintre napolitain connu qui était né à Torre del Greco en 1918 et qui était mort en 2011. Giuseppe Ciavolino était aussi connu à l’étranger, une de ses œuvres était même exposée au MoMA, le musée d’art moderne new-yorkais. Parmi les œuvres rares dans ce musée, un seul camée était exposé, taillé dans la sardonique (la partie la plus précieuse d’un coquillage), et il était signé de Giuseppe Ciavolino. Paki, qui était un grand admirateur et collectionneur de ce peintre, se dirigea d’un pas rapide vers la toile afin de l’admirer de près. Cet amour pour les œuvres de Ciavolino était né en 1993 lorsqu’il avait vu pour la première fois un tableau au marché des antiquaires qui se tenait à Naples, à côté de l’hôtel de ville dans la rue Caracciolo.

À cette époque, il avait l’habitude de se rendre au marché avec sa femme Sally. Ils regardaient ensemble et décidaient des objets à acheter. Ce jour-là, Paki ne l’avait toujours pas oublié. En effet, alors qu’il se baladait avec sa femme, il avait vu une œuvre de petite taille en 24x30 du maître Ciavolino. Paki avait regardé cette œuvre avec extase. Ce peintre qu’il ne connaissait pas l’avait attiré, et il était resté très longtemps devant le tableau à le fixer. Il lui plaisait, il voulait l’acheter, mais le prix demandé par le vendeur (250 000 lires), ce qui n’était pas rien à l’époque, l’avait fait réfléchir. Il avait été ensorcelé par ce tableau qui, tel un aimant, l’attirait et l’attirait de manière inexplicable. Il avait été sur le point de conclure la transaction lorsque sa femme l’avait fait renoncer en lui donnant un coup et l’avait brusquement éloigné en murmurant : « Tu ne vois pas que c’est moche, laisse tomber. Et puis on le mettrait où ? ». Alors qu’elle s’était éloignée, Paki avait continué à regarder derrière lui en direction du tableau, avec le sentiment profond qu’il laissait une partie de son coeur derrière lui. Cela avait été la dernière fois qu’il avait parcouru les étals avec sa femme. Au marché suivant, ils avaient commencé à chiner séparément, ainsi Paki avait-il pu choisir ce qu’il voulait acheter en toute liberté et sans se presser. Malheureusement, le mois suivant, Paki n’avait pas retrouvé au marché ce petit tableau qui l’avait tellement ému car il avait déjà été vendu. Paki avait alors ressenti beaucoup d’amertume et de contrariété envers sa femme qui l’avait détourné de cet achat.

Quelques temps plus tard, il s’était rendu chez un encadreur afin de commander un cadre pour un tableau. À l’entrée, il s’était trouvé nez-à-nez avec un tableau du maître Ciavolino. Il était un peu plus grand que celui qu’il avait vu au marché mais aussi beaucoup plus beau. Par chance, il était seul ce jour-là. Il demanda le prix et acheta le tableau sans sourciller, peut-être aussi pour embêter sa femme qui l’avait empêché d’acheter le tableau au marché, et il le paya beaucoup, beaucoup plus cher.

Au bout d’une semaine, il était revenu chez l’encadreur et en avait acheté un autre. Entre temps, sa femme avait compris qu’elle s’était trompée et, afin de réparer son erreur, elle s’était secrètement renseignée sur le peintre afin de savoir qui il était et où il habitait. Elle avait réussi à réunir toutes les informations et, dans les jours qui avaient précédé Noël en 1994, elle s’était rendue au domicile de l’artiste et elle avait acheté un très beau tableau en 50x70 pour l’offrir à Paki. Sally avait pensé faire une très belle surprise à Paki pour se faire pardonner et, pour la rendre encore plus belle, elle avait eu l’idée de faire deux paquets : elle n’avait mis que le catalogue emballé des œuvres de Ciavolino sous le sapin, puis elle avait emballé le tableau et l’avait caché sous le canapé. Lorsque Paki avait ouvert le paquet le plus petit et qu’il y avait trouvé le catalogue du maître Ciavolino, ses yeux avaient commencé à briller, il était des plus heureux. Il avait demandé à sa femme où est-ce qu’elle l’avait trouvé, puis il l’avait serrée tendrement et lui avait donné un baiser. Une fois l’enthousiasme passé, Sally avait invité Paki à se lever du canapé et l’avait déplacé, puis manifestant sa jubilation, elle s’était exclamée : « Voici ton vrai cadeau mon amour. »

Paki avait vu ce paquet sortir de sous le canapé, puis il l’avait pris entre ses mains et avait brusquement compris qu’il contenait un tableau. Il l’avait déballé frénétiquement et lorsqu’il avait vu apparaître une toile de Ciavolino vraiment magnifique, il avait été ému aux larmes. Mais l’émotion avait été encore plus forte quand il avait aperçu au dos de la toile la dédicace qui lui était directement adressée par le maître, suggérée par sa femme. Cela avait été le plus beau Noël de sa vie.

Par la suite, connaissant désormais l’adresse du maître, il avait commencé à se rendre souvent chez lui et il avait établi un grand rapport d’amitié tout en initiant une grande collection d’œuvres. L’émotion qu’il ressentait en regardant les tableaux du maître Ciavolino était tellement forte qu’à l’occasion de ses quatre-vingts ans, il lui fit une grande surprise. Il se rendit à l’agence publicitaire du mensuel Arte et il fit publier trois photos de ses peintures avec la dédicace suivante : « À toi Grand Maître qui réussis avec Tes œuvres à me faire rêver les yeux ouverts. »

Quand le Maître apprit ce que Paki avait fait, il fut plus que ravi. La joie et l’émotion avaient été telles qu’il avait offert en retour une magnifique toile à Paki avec la dédicace suivante : « À Paki, grand amateur de mes œuvres. » Aujourd’hui encore, quand il voyait une toile de Ciavolino, il restait envoûté et il la scrutait avec passion et amour.

Une fois la contemplation du tableau terminée, Paki passa à l’étal suivant, et là il fut attiré par un brocanteur qui vendait des pièces d’argent entre autres choses. Paki, qui était aussi expert numismate, décida de s’arrêter et de jeter un coup d’oeil. Il en saisit une et l’observa avec attention pour en établir l’authenticité. Alors qu’il tournait et retournait la pièce entre ses doigts, son attention fut distraite par une voix qui venait de derrière lui. Il fit volte face et vit le brocanteur, un homme jovial et joufflu au rire moqueur, qui lisait à un de ses amis le contenu d’une feuille qu’il tenait entre ses mains. Le brocanteur, ayant remarqué l’étonnement de Paki, s’était approché de lui et, pour se montrer poli, il l’avait mis au courant de la situation.

« Vous savez, c’est un testament manuscrit que j’ai trouvé en vidant un grenier. »

Paki le regarda abasourdi, il ne comprenait pas ce qui portait à rire dans ce testament. Le brocanteur continua alors : « Il est écrit dans le testament : “ Chers enfants, je vous laisse en plus de ma maison sur la propriété, tout ce que j’ai réussi à mettre de côté tout au long de ma vie, soit un bon d’épargne de 80 000 lires. ” »

Paki le regarda, horrifié, il n’arrivait toujours pas à comprendre ce qui le faisait rire.

« Non ! » continua le brocanteur, « ce n’est pas terminé. La chose amusante c’est qu’à la fin il y a un post-scriptum dans lequel le de cujus fait un rectificatif qui précise que, suite aux événements de la guerre qui ont eu lieu et à cause du marché noir, ses économies ont été dilapidées. » Puis, tout en continuant à sourire, il ajouta : « J’imagine la tête des héritiers, ha, ha, ha. »

Paki resta sans voix. Le brocanteur, voyant que Paki ne partageait pas son sarcasme et n’avait comme intention que d’acheter la pièce et de s’en aller, lui dit : « Vous collectionnez aussi les timbres ? Parce que dans ce même grenier dans lequel j’ai trouvé le testament, il y avait aussi un carton plein de lettres. » Et d’un geste de la main, il indiqua à Paki ledit carton rempli de lettres affranchies avec des timbres des années 40 jusqu’aux années 60. Elles étaient bien conservées et maintenues ensemble par de très beaux rubans colorés.

Paki répondit que non, et, impatient, il paya la pièce et il allait s’en aller lorsque le brocanteur se mit à le tutoyer et lui dit : « Tu m’es sympathique tu sais ? Je veux t’offrir ce livre qui vient de la même maison, c’est un livre qui a été écrit par le fils de l’homme du testament en honneur à son père. » Puis lui montrant un livre assez épais à la couverture bleue, il le lui tendit. Paki était embarrassé et il refusa dans un premier temps, mais devant l’insistance du brocanteur, il le remercia presque à contre-coeur, prit le livre et s’en alla. Il était très contrarié car il savait très bien qu’il rapportait chez lui une escroquerie supplémentaire, et qu’il ne lirait probablement jamais ce livre.

Arrivé chez lui, il posa le livre et la pièce sur la table située à côté de la terrasse et il courut prendre une douche pour se rafraîchir.

Il se pressa ensuite un jus de pamplemousse rose qu’il partit déguster sur la terrasse panoramique. À peine eut-il fini de boire qu’il alluma sa cigarette traditionnelle et qu’il saisit son téléphone pour trouver sur Internet la pièce qu’il venait d’acheter, ce qu’il faisait généralement après chaque achat pour contrôler s’il avait fait une affaire ou non. Il tendit la main pour saisir la pièce posée sur le livre, mais, de manière étrange, il la reposa sur la table et prit le livre entre ses mains.

Sans doute poussé par la curiosité, il observa la couverture du livre avec attention, alors que sa main droite se dirigea involontairement sur le livre pour l’ouvrir. Paki se retrouva tout d’un coup avec le livre ouvert à la première page, et, sans même savoir comment, il commença à le lire. Il n’avait jamais fait ça auparavant, pourtant trois heures après, il était encore en train de lire. Il ne s’interrompit que lorsque sa femme l’appela pour la troisième fois, de plus en plus brusquement, pour qu’il vienne s’asseoir à table. Paki se leva, mangea en vitesse et retourna à sa lecture.

Il reprit le livre entre ses mains, qui d’ailleurs n’était pas un livre publié par une maison d’édition, mais qui était un simple document dactylographié relié par un petit laboratoire artisanal. Sur la couverture bleue, imprimé en caractères dorés, on pouvait lire le titre : « Un homme mémorable ». Le livre était composé d’environ 250 pages. Paki le lut avec avidité jusqu’à la fin, et lorsqu’il atteignit la dernière phrase, il se retrouva avec un nœud dans la gorge et les joues baignées de larmes abondantes qui coulaient de ses yeux. Il avait été tellement ému en lisant cette histoire qu’il avait sangloté pendant plusieurs minutes. Ce qui était étrange, c’est que Paki n’avait lu dans sa vie qu’une dizaine de livres, et quand il les commençait, il finissait de les lire une semaine après. Au contraire, ce soir-là, il avait lu tout le livre d’un trait. Ce livre avait été écrit par un certain Vittorio, habitant à Rome, pour rappeler son père Luigi à ceux qui l’avaient connu et l’avaient estimé pour sa ténacité et son courage pour affronter l’adversité ; et aussi pour faire connaître aux autres personnes un homme dont la dignité avait exemplaire pour beaucoup.

Paki fut fort content d’avoir pu connaître cette figure paternelle belle et précieuse en lisant le livre.

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