Французский с Ги де Мопассаном. Пышка / Guy de Maupassant. Boule de suif

Des commandements criés d’une voix inconnue et gutturale montaient le long des maisons qui semblaient mortes et désertes, tandis que, derrière les volets fermés, des yeux guettaient ces hommes victorieux, maîtres de la cité, des fortunes et des vies, de par le «droit de guerre». Les habitants, dans leurs chambres assombries, avaient l’affolement que donnent les cataclysmes, les grands bouleversements meurtriers de la terre, contre lesquels toute sagesse et toute force sont inutiles. Car la même sensation reparaît chaque fois que l’ordre établi des choses est renversé, que la sécurité n’existe plus, que tout ce que protégeaient les lois des hommes ou celles de la nature, se trouve à la merci d’une brutalité inconsciente et féroce.

Le tremblement de terre écrasant sous des maisons croulantes un peuple entier (землетрясение, погребающее под разрушенными: «обваливающимися» домами целый народ; trembler – дрожать; трястись; écraser – давить; уничтожать; crouler – рушиться, обваливаться); le fleuve débordé qui roule les paysans noyés (река, вышедшая из берегов, которая несет утонувших крестьян; déborder – переливаться через край; выходить из берегов; bord, m – край; берег; rouler – катить) avec les cadavres des bœufs et les poutres arrachées aux toits (вместе с трупами быков и балками, сорванными с крыш; poutre, f – балка; брус; бревно; arracher – вырывать; отдирать; toit, m), ou l’armée glorieuse massacrant ceux qui se défendent (или победоносная армия, истребляющая тех, кто защищается; glorieux – славный, знаменитый, прославленный; massacrer – производить массовое избиение, резню, избивать, истреблять), emmenait les autres prisonniers (уводит остальных в плен), pillant au nom du Sabre et remerciant un Dieu au son du canon (грабящая во имя Сабли и благодарящая какого-то бога под звуки пушек), sont autant de fléaux effrayants (все это ужасные бичи; autant – столько же) qui déconcertent toute croyance à la justice éternelle (которые подрывают всякую веру в извечную справедливость; déconcerter – смущать; озадачивать; приводить в замешательство; éternel – вечный), toute la confiance qu’on nous enseigne en la protection du ciel et en la raison de l’homme (всю веру, которую в нас воспитывают, в защиту свыше и в человеческий разум; confiance, f – доверие; вера; ciel, m – небо; enseigner – обучать; преподавать).

Le tremblement de terre écrasant sous des maisons croulantes un peuple entier; le fleuve débordé qui roule les paysans noyés avec les cadavres des bœufs et les poutres arrachées aux toits, ou l’armée glorieuse massacrant ceux qui se défendent, emmenait les autres prisonniers, pillant au nom du Sabre et remerciant un Dieu au son du canon, sont autant de fléaux effrayants qui déconcertent toute croyance à la justice éternelle, toute la confiance qu’on nous enseigne en la protection du ciel et en la raison de l’homme.

Mais à chaque porte des petits détachements frappaient (но небольшие отряды стучались в каждую дверь; détachement, m – отделение, открепление; отряд; détacher – отвязывать; отделять), puis disparaissaient dans les maisons (затем исчезали в домах = заходили в дома; disparaître – исчезать, скрываться). C’était l’occupation après l’invasion (это была оккупация после вторжения; occupation, f; invasion, f). Le devoir commençait pour les vaincus de se montrer gracieux envers les vainqueurs (наступала обязанность побежденных проявлять любезность по отношению к победителям; vaincre – побеждать).

Au bout de quelque temps, une fois la première terreur disparue (по прошествии некоторого времени, как только исчез первый страх; disparaître), un calme nouveau s’établit (снова водворилась тишина: «установилась новая тишина»; s’établir – основываться; устанавливаться). Dans beaucoup de familles, l’officier prussien mangeait à table (во многих семьях прусский офицер ел за столом /со всеми/; famille, f). Il était parfois bien élevé, et, par politesse, plaignait la France (иногда он был воспитан и из вежливости жалел Францию; élever – возвышать; воспитывать; politesse, f; poli – вежливый; plaindre), disait sa répugnance en prenant part à cette guerre (высказывая свое нежелание участвовать в этой войне = говорил, что ему не хочется участвовать в этой войне; répugnance, f – нежелание; prendre part à qch – участвовать в чем-либо).

Mais à chaque porte des petits détachements frappaient, puis disparaissaient dans les maisons. C’était l’occupation après l’invasion. Le devoir commençait pour les vaincus de se montrer gracieux envers les vainqueurs.

Au bout de quelque temps, une fois la première terreur disparue, un calme nouveau s’établit. Dans beaucoup de familles, l’officier prussien mangeait à table. Il était parfois bien élevé, et, par politesse, plaignait la France, disait sa répugnance en prenant part à cette guerre.

On lui était reconnaissant de ce sentiment (ему были признательны за это чувство; reconnaître – узнавать; признавать; быть благодарным); puis on pouvait, un jour ou l’autre, avoir besoin de sa protection (и потом, возможно, рано или поздно: «в один день или в другой», потребовалось бы его покровительство). En le ménageant (бережно обращаясь с ним; ménager – бережно обращаться с…, осторожно поступать с…; щадить, беречь), on obtiendrait peut-être quelques hommes de moins à nourrir (может быть, не пришлось бы кормить нескольких /лишних/ солдат: «получили бы на несколько человек меньше, чтобы кормить»; obtenir – получать; добиваться). Et pourquoi blesser quelqu’un dont on dépendait tout à fait (и к чему задевать того, от кого полностью зависишь; blesser – ранить; обижать, задевать; dépendre)? Agir ainsi serait moins de la bravoure que de la témérité (поступить так было бы /проявлением/ не столько храбрости, сколько безрассудства; témérité, f – отвага, смелость, дерзость; безрассудство). – Et la témérité n’est plus un défaut des bourgeois de Rouen (а безрассудство уже не является недостатком жителей Руана; défaut, m – отсутствие; недостаток), comme au temps des défenses héroïques où s’illustra leur cité (как во времена героических защит, в которые прославился их город; cité, f). —

On lui était reconnaissant de ce sentiment; puis on pouvait, un jour ou l’autre, avoir besoin de sa protection. En le ménageant, on obtiendrait peut-être quelques hommes de moins à nourrir. Et pourquoi blesser quelqu’un dont on dépendait tout à fait? Agir ainsi serait moins de la bravoure que de la témérité. – Et la témérité n’est plus un défaut des bourgeois de Rouen, comme au temps des défenses héroïques où s’illustra leur cité. —

On se disait enfin (наконец, говорили сами себе), raison suprême tirée de l’urbanité française (/приводя/ высший довод французской учтивости; tirer – тащить, тянуть; вытягивать, доставать; urbanité, f), qu’il demeurait bien permis d’être poli dans son intérieur (что позволительно быть вежливым у себя дома; demeurer – жить; оставаться; permettre – позволять) pourvu qu’on ne se montrât pas familier, en public (лишь бы не показывать на публике, что близко знаком с ним; se montrer – показываться; проявлять себя; familier – коротко знакомый; близкий), avec le soldat étranger (с иностранным солдатом). Au dehors on ne se connaissait plus (на улице с ним не здоровались: «снаружи уже не были знакомы»), mais dans la maison on causait volontiers (но дома охотно беседовали), et l’Allemand demeurait plus longtemps, chaque soir, à se chauffer au foyer commun (и немец каждый вечер все дольше и дольше оставался погреться у общего домашнего очага; demeurer – жить, проживать; обитать; оставаться на месте, пребывать).

On se disait enfin, raison suprême tirée de l’urbanité française, qu’il demeurait bien permis d’être poli dans son intérieur pourvu qu’on ne se montrât pas familier, en public, avec le soldat étranger. Au dehors on ne se connaissait plus, mais dans la maison on causait volontiers, et l’Allemand demeurait plus longtemps, chaque soir, à se chauffer au foyer commun.

La ville même reprenait peu à peu de son aspect ordinaire (/и/ сам город понемногу принимал свой обычный облик; reprendre; aspect, m – вид, облик). Les Français ne sortaient guère encore (французы по-прежнему не выходили /из домов/), mais les soldats prussiens grouillaient dans les rues (но прусские солдаты сновали по улицам; grouiller – кишеть, копошиться; суетиться, сновать). Du reste, les officiers de hussards bleus (впрочем, офицеры гусар в синей /форме/; bleu – голубой, синий), qui traînaient avec arrogance leurs grands outils de mort sur le pavé (которые с надменным видом волочили по мостовой свои большие орудия смерти; arrogance, f – высокомерие, надменность; outil, m), ne semblaient pas avoir pour les simples citoyens énormément plus de mépris (казалось, не имели = не питали по отношению к простым гражданам больше презрения; mépris, m) que les officiers de chasseurs, qui, l’année d’avant, buvaient aux mêmes cafés (чем офицеры егерей, которые годом раньше выпивали в тех же самых кафе; chasseur, m – стрелок; /ист./ егерь; chasser – охотиться).

La ville même reprenait peu à peu de son aspect ordinaire. Les Français ne sortaient guère encore, mais les soldats prussiens grouillaient dans les rues. Du reste, les officiers de hussards bleus, qui traînaient avec arrogance leurs grands outils de mort sur le pavé, ne semblaient pas avoir pour les simples citoyens énormément plus de mépris que les officiers de chasseurs, qui, l’année d’avant, buvaient aux mêmes cafés.

Il y avait cependant quelque chose dans l’air (однако что-то было = витало в воздухе), quelque chose de subtil et d’inconnu (что-то неуловимое и неизвестное; subtil – тонкий; неуловимый), une atmosphère étrangère intolérable (нестерпимая чуждая атмосфера; étranger – иноземный; чуждый), comme une odeur répandue, l’odeur de l’invasion (словно распространяющийся запах, запах вторжения; se répandre – разливаться; распространяться). Elle emplissait les demeures et les places publiques (он заполнял жилища и общественные места; emplir – заполнять; наводнять; demeure, f

Примечания