Книга CONVERSATIONS AVEC TSAREVITCH ALEXIS. Souvenirs de la famille de Filatov de Tsesarevitch Alexis - читать онлайн бесплатно, автор Oleg Vasiljevitch Filatov. Cтраница 2
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CONVERSATIONS AVEC TSAREVITCH ALEXIS. Souvenirs de la famille de Filatov de Tsesarevitch Alexis
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CONVERSATIONS AVEC TSAREVITCH ALEXIS. Souvenirs de la famille de Filatov de Tsesarevitch Alexis

Il n’allait jamais chez le médecin et il ne reste aucun certificat médical faisant état desa maladie. Un jour cependant, en 1975, nous l’obligeâmes à aller se faire faire un bilan. C’estla seule information que nous possédons sur son état de santé. Nous n`avons jamais vu non plus de photographies de mon père lorsqu’il était jeune. Il y en avait quelques-unes qui dataient d’avant guerre; les rares autres avaient été prises beaucoup plus tard. D’unemanière générale, nous avons très peu de documents sur lui bien qu’il insistât pour que nous conservions soigneusement tous nos dossiers et papiers. Il disait qu’on avait égaré son certificat de naissance et qu’il avait dû le reconstituer à partir des registres de l’église. « C’est undentiste qui a défini mon âge. Mais il s’est trompé.” Ma mère se souvient qu’en 1952, il lui avait avoué qu’il avait 48 ans.

En dépit de son infirmité, il faisait preuve d’une endurance stupéfiante. Il était capable de parcourir de longs trajets sans canne en prenant appui “tour à tour sur une jambe, puis sur l’autre. Il faisait une promenade presque chaque jour, surtout l’été, durantses congés, où il lui arrivait de couvrir plusieurs kilomètres pour aller pêcher dans larivière. Il avait une grande force spirituelle et beaucoup de dignité. Je ne me souviens pasqu’on l’ait jamais humilié ou traité d’invalide. Il se démontait complètement quand samaladie l’empêchait de faire quelque chose. On en discutait et puis il se calmait. Toute savie, il a fait certains mouvements de gymnastique suédoise, en prétendant que sans cela, ilserait maigre comme un clou.

Il lui arrivait souvent de tomber malade brusquement. Nous ne parvenions pas à déterminer ce qu’il avait, mais il n’allait jamais voir le médecin. Il se mettait au lit et restait couché des heures durant. Il avalait des remèdes et prenait toujours de l’acide ascorbique. Quand je lui demandai ce qui n’allait pas, il me répondait: “Je tiens ça de mes parents. Et j’ai été handicapé toute ma vie. Les gens disent que mes parents n’auraient pas dû semarier, mais ils l’ont fait quand même et je suis né comme ça.” Quand il souffrait parcequ’il s’était cogné le pied, il bandait la meurtrissure et s’allongeait ou s’asseyait tout voûtéen marmonnant inlassablement quelque chose. Une fois je l’ai entendu réciter le Notre Père. C’était son mode de défense. Il disait souvent: « Il ne peut rien y avoir de plus terrible dans la vie. Le plus atroce de tout, ce fut la cave Ipatiev.” Bien sûr, ces remarques restèrent gravées dans nos mémoires.

Il se levait en général de bonne heure, faisait sa gymnastique, s’aspergeait d’eau froideet se rasait avec soin. Cela m’étonnait. Qu’est-ce que tu es, papa, un soldat?” m’exclamaije. « Non, répliquait-il, mais mes ancêtres étaient tous des soldats.” Il était très soigné etpointilleux quant à son apparence, et s’il devait aller quelque part, alors il mettait un tempsfou à se préparer. Il allait travailler dignement et on voyait bien que cela comptait plus quetout pour lui. Quand j’eus 16 ans, il commença à me faire faire des haltères. L’été, j’adorais nager et je me débrouillais bien. Il nous apprit qu’il était plus facile de nager sur le dos ou en papillon, si on ne Élisait pas de bruit.

C“était un vrai plaisir de le voir manier la hache lorsqu’il coupait du bois. Nous pensions qu’il fallait la moitié d’une vie pour savoir s’y prendre aussi bien. Il nous apprit à couper du bois sans risquer de nous blesser. Il disait que les guerriers russes savaient se défendre avec une hache en la faisant passer d’une main à l’autre. Il essaya même de nous apprendre àlancer une hache! À Fécole, il y avait un petit bureau militaire où l’on conservait des fusils depetit calibre. Il nous initia aussi au tir: tenir le canon, le presser contre notre joue, abaisser lagâchette tout en retenant son souffle et viser.

Il avait une attitude raisonnable vis-à-vis de la nourriture même s’il adorait le poisson, le cacao, le vin et le champagne. Lorsque nous étions enfants, à table, on nous donnaità tous une serviette amidonnée. Une soupière trônait au milieu de la table et tout était trèsformel. Nous devions attendre avant de prerfdre notre cuillère. Sinon, on risquait une tapesur le front. Quand Père s’ingéniait à nous apprendre les bonnes manières, à manier le couteau et la fourchette, à mettre le couvert, maman s’exclamait: « Voilà que tu recommences avec tes manies ridicules dignes de la Garde blanche. J’espère seulement que personne ne le découvre!” Plus tard, les choses changèrent. La porcelaine disparut, et on commença àmanger comme tout le monde. Toutes ces informations nous furent transmises jusqu’à uncertain âge. À l’évidence, mon père pensa alors que cette aptitude (à être bien élevé) n’avait plus de raison d’être. Je crois qu’il savait, et avait vécu suffisamment de choses pour remplir des livres etdes bobines de films. Il disait qu’il suffisait d’avoir lu Mes universités et Voyage parmi les gensde Maxime Gorki pour savoir comment s’était déroulée sa jeunesse. Quand je lus Et l’acier fut trempé, je lui demandai: « Papa, Nikolai Ostrovski, c’était toi?” Il sourit et me répondit: « Non, ce n’était pas moi. D’ailleurs, mon sort a été pire que le sien.” Il nous racontait souvent qu’il avait beaucoup voyagé dans sa jeunesse. À titre de comparaison, il citait le livre de Mark Twain à propos de Tom Sawyer; il aimait aussi beaucoup Jack London. Il regardait avec attention les films de guerre ou d’espionnage. Il remarquait quelle allure il fallaita voir et comment il fallait apprendre à ne pas dire un mot de trop. Il appréciait beaucoup les dictons tels que « Ma langue est mon ennemi”, ou encore « On nous a donné unelangue pour cacher nos pensées”. J’ignore d’où il tenait ce genre de renseignements, mais il nous racontait que les Allemands avaient une école d’espionnage où ils apprenaient l’or-thodoxie et le catéchisme. Puis on les parachutait en Russie. Selon lui, certains espions sefirent attraper un jour à la gare de Tioumen alors qu’ils tentaient d’empoisonner de lanourriture et des bidons de lait. Nous vivions au sein d’une colonie germano-hollandaise fondée à l’époque de Catherine II, dans le district de Novosergievsk, province d’Orenbourg. Notre village avait un nom peu commun: Pretoria. C’était comme l’Allemagne ou la Hollande en miniature: des mou-lins, des fabriques de fromage et un mode de vie particulier. Les maisons étaient en grosses pierres, les grands toits et les portes en bois épais. En tirant sur une corde, on ouvrait la moitié de la porte – la partie supérieure, en bois sculpté. On ne verrouillait jamais rien. Il n’yavait pas de voleurs. Tout était propre. Mon père qui enseignait la géographie au lycée étaittrès respecté. Ses élèves l’adoraient. Beaucoup de gens le connaissaient en ville ainsi que danstoute la province. C’était un homme avenant et il prenait part à de nombreuses activitésciviles – il était délégué.

Il était toujours à l’aise avec les gens d’autres nationalités. Il nous apprit à les traiter comme les autres. Il soutenait qu’il fallait analyser les expériences d’autrui pour apprendre àmieux vivre. Il insistait pour que nous soyons tolérants. Il n’admettait ni les baptistes ni lessectes. Selon lui, ces religions fournissaient à leurs fidèles des principes superflus dans lamesure où il ne s’agissait pas de mouvements spirituels importants comme l’orthodoxie. Ilse souvenait de nombreuses prières et en inventait aussi pour lui-même. Il affirmait qu’à quatorze ans, il les savait toutes par cœur. Notre enfance se déroula dans des villages, loin des grandes villes et des réseaux decommunication, de sorte que notre unique lien avec le monde était la radio, et plus tard, dans les années soixante, la télévision. Les fêtes avaient une signification particulière pour notre famille parce qu’elles nous rapprochaient, créant une atmosphère chaleureuse, douce, spéciale. Nous, les enfants, lesattendions toujours avec impatience, surtout le Nouvel An et puis les anniversaires. Nous tenions énormément au Nouvel An. Papa et maman s’efforçaient de nous faire participeraux préparatifs, non seulement à l’école, où ils orchestraient tout et prenaient part à des spectacles. Maman organisait des carnavals, cousait des costumes, les brodait de perles elle-même, ou avec notre aide. Mon père récitait par cœur de la poésie: Koltsov, Lermontov, Pouchkine, les fables de Krylov. Il aimait aussi déclamer les œuvres d’Anton Tchékhov, comme Les Bottes, L’Ours, Unnom de cheval, La Dame au petit chien, Le Surveillant, ainsi que Le Duel de Kouprine. Maman chantait des chansons en s’accompagnant à la guitare. À la maison, on mon-tait des pièces en apprenant nos rôles pour les contes de fées tels que Kolobok, Le Conte dupoisson rouge, Filipka, Тот Pouce, Le Méchant Garnement, etc. L’école de Pretoria était une bâtisse en bois datant de 1905 avec une grande salle deréunion où l’on dressait un arbre de dix mètres de haut autour duquel les professeurs serassemblaient avec leur progéniture. Les enfants de tous les âges valsaient avec leurs parents. Je portais toujours un grand nœud papillon et j’aimais beaucoup danser. Papa aussi aimait la danse, mais seulement le tango au ralenti. Nous avions une chorale de pro-fesseurs, où mes parents chantaient. Elle était dirigée par Trounov Alexandre Alexandrovitch, le professeur de musique.

À la maison aussi, on dressait un arbre que l’on gardait deux semaines à partir du 30 décembre. Nous confectionnions tous des jouets en papier, des bateaux, des biscuits; on faisait des dessins et des collages. On aimait illustrer les scènes de La Reine de la Neige, à propos du garçon qui souffrait et cherchait sa sœur. Nous avions aussi des décorations en verrepour l’arbre. On le mettait sur un pied en X ou dans une caisse remplie de sable. Papa nous aidait à broder des mouchoirs avec des motifs inspirés de la nature ou des histoires telles que Kolobok ou Petit Homme qui vivait dans une boîte à musique.

Papa et maman glissaient des cadeadx sous nos oreillers pour notre anniversaire, mais pour Nouvel An, ils se déguisaient en Reine de la Neige et Père Noël, prenaient les paquetssous l’arbre, nous embrassaient, et pendant que nous leur donnions à notre tour nos présents, nous chantions et dansions autour de l’arbre.

Papa évoquait souvent les célébrations du Nouvel An lorsqu’il était petit. « En cetemps-là, disait-il, c’était différent. Nous fêtions aussi Noël et cela donnait lieu à degrandes réunions de famille.” Nous étions curieux de savoir comment cette fête se dérou-lait et pourquoi elle n’existait plus. Il répondait de manière évasive en disant que c’était difficile d’en parler maintenant. Il n’y avait pas d’église dans notre village, mais Père marquaitl’événement en relatant des épisodes de sa vie et en parlant de 1”” ancien Nouvel An”, parce qu’après la révolution, on avait changé toutes les dates. Noël tombait désormais le 7 janvier et l’ancien « Nouvel An”, le 13 janvier. Jadis, les gens allaient à l’église. Cependant nous vivions dans un village germano-hollandais et les villageois avaient leurs propres festivités, que mon père ne reconnaissait pas parce que, selon lui, elles se basaient sur un calendrier distinct.

Au Nouvel An, certains de nos voisins allaient dans les maisons de prières baptistes; d’autres se mettaient sur leur trente et un pour aller rendre visite à des amis.

L’anniversaire de mon père tombait aussi autour de cette période; il disait toujours que le certificat de naissance qu’on lui avait donné dans les années 1930 indiquait qu’il étaitné le 22 décembre 1908, mais il avait compté et déterminé ainsi que cela correspondait désormais (selon le calendrier grégorien) au 4 janvier. Pourtant il avait affirmé à maman qu’il étaitné le 28 janvier, et elle lui demandait: « Alors quel jour est ton anniversaire en définitive?” etil répondait que tout était embrouillé. Nous ne recevions jamais d’amis pour son anniversaire. Nous le célébrions en famille. Il faisait allusion à ses parents, morts prématurément. Nous lui écrivions des cartes, nous luifaisions des dessins, nous lui donnions des livres sur les échecs, la pêche, la chasse, l’histoire, et nous lui brodions des mouchoirs. Malheureusement tout a été perdu à cause de nos nombreux déménagements, bien que maman exposât souvent son travail à l’école où elle dirigeait un club de couture, et dans des foires régionales – ainsi que nos dessins, surtout ceuxque j’avais faits avec papa pendant les vacances. Je doute qu’on puisse en retrouver aujourd’hui. En relation avec Noël, Père pariait souvent de « l’œuf du Christ” et de la souffrance deJésus entre les mains de mauvaises gens. Il nous racontait comment les premiers arbres de Noël étaient apparus en Russie, les fêtes païennes célébrées par les Slaves; plus tard, il évoquait les tsars, jusqu’à Pierre le Grand, qui avait voyagé en Russie, tel un mendiant vagabond” en précisant qu’il avait dû garder en mémoire tout ce qui lui était arrivé. Il disait queles tsars adoraient chasser en ce temps-là, que l’on jeûnait avant Noël, que les gens se préparaient pour le grand jour de fête, qu’il faisait lui-même comme cela autrefois, qu’il observaitl’ Avent, mais qu’à présent, peu de gens s’en souvenaient. Les jours de fête, on servait du vin de Cahors que mon père appelait toujours « vin demesse”. Maman faisait des tourtes aux choux et aux baies, du poisson en gelée, de l’oie rôtieou du cochon de lait. (Père racontait souvent qu’enfant, avec son père, « le soir”, il apprêtaitune oie « à la mode africaine” en la cuisant sans la plumer dans de l’argile, sur un feu de joie; les plumes se détachaient lorsqu’on retirait l’argile. Ils préparaient aussi les faisans et lescailles de cette façon.) Nous adorions tous les desserts; les enfants avaient droit à des gâteauxet nos parents buvaient du champagne. Mes sœurs et moi passions les fêtes dehors, à faire des bonhommes de neige, à construire des forteresses, à nous jeter des boules de neige. J’ai vécu toute mon enfance loindes villes que je n’ai donc découvertes que plus tard. À l’école, nous étudions l’histoire de la Russie et celle du parti. Tout le monde sait ceque cela veut dire. L’histoire était le domaine préféré de mon père, au fondement de l’éducation de ses enfants. Il pensait que tous les malheurs de notre nation provenaient d’unmanque d’éducation et de culture, que c’était là la plus grave des défaillances qui conduisait inéluctablement aux malentendus, à l’incompréhension, à une réticence à pénétrer l’essencedes événements et, en définitive, aux guerres. Il disait que, pour bien connaître l’histoire, il fallait lire les manuels, mais aussi certains auteurs, tels Emelian Pougatchev, Souvorov,. Catherine II et Pierre Ier, pour en apprendre bien plus que ce qu’on nous enseignait à l’école. Quand nous lui demandions s’il connaissait l’histoire de sa famille, il disait que ses parents avaient grandi au bord du fleuve Ouvod à Kostroma, où ses ancêtres avaient vécu “fans des cabanes en bois, de la pêche et de la chasse. « Ils chassaient toujours en compagnie de chiens. Il ne faut jamais battre un chien. S’il arrivait quelque chose, que Dieu vous en garde, et si vous l’aviez offensé, il risquait de vous trahir pendant la chasse.” Il racontait l’histoire d’un de ses lointains parents qui chassait l’ours un hiver. Ses chiens l’abandonnèrent dans la forêt parce qu’il avait battu l’un d’eux. L’ours avait mangé, bien sûr, et se contentad’assommer le chasseur avec une branche cassée. Quand ce dernier retrouva ses esprits, ilabattit ses chiens. « Mais mes ancêtres donnaient la chasse aux ours sans fusil. Ils confection-naient une boule de fer avec des piquants qu’ils jetaient à l’animal. Il l’attrapait et les piquantslui blessaient les pattes. Ensuite, ils le cernaient et lui fendaient le ventre en deux. C’était comme un jeu pour eux.” (Mon père était un merveilleux tireur et adorait chasser. Il disaitqu’autrefois, il avait un chien de meute russe, de couleur rouille.) Selon lui, ses ancêtresétaient tous très blonds et très clairs de peau. « Notre nom vient de Philarète, affirmait-il. Il yavait jadis un homme qui s’appelait Philarète, et nous descendons de lui.” Aujourd’hui, jecomprends pourquoi il disait ça. « Filaret” vient du grec Filat. Plus tard, alors que nous nous efforcions de déchiffrer’ses allégories, nous lui demandâmes: « Alors cela veut-il dire que tues le garçon qu’on a sauvé durant l’exécution de la famille Romanov?” Et il répondit laconiquement: « Bien sûr que non. Je descends de Philarète.” Mon père me parla pour la première fois de l’exécution de la famille impériale lorsquej’étais en sixième et que nous commencions à étudier l’histoire de la révolution. J’entendi ségalement pour la première fois le nom de Iourovski qui, selon lui, avait tout organisé. Je ne comprenais pas comment le garçon avait pu s’eft sortir (au fil de ses récits, Père parlait du tsarévitch à la troisième personne en l’appelant « le garçon”). Il disait que le jeune adolescent avait assisté à toute la scène du crime et à tout ce qui s’était passé ensuite et qu’on l’avait pourchassé sa vie durant. « Où s’est-il caché?” demandai-je alors. Et mon père de répondre: « Sous un pont. Il y avait un pont à proximité du passage à niveau et il a rampé jusque-làquand le camion s’est mis à cahoter.” « Mais comment le sais-tu?” Il sombrait dans lesilence. « Mes oncles me l’ont raconté.” « Et qui sont tes oncles?” « L’oncle Sacha Strekotine et l’oncle Andrei Strekotine, qui faisaient partie de la garde de la maison. Après le front, ils furent stationnés là. Oh, et il y avait aussi l’oncle Micha!” Il affirmait aussi que les corps des exécutés avaient été jetés dans des petits puits demine. « Si tu veux savoir comment ça s’est passé, va voir le film La Jeune Garde. Tu verras degrands puits de mine, comme à Alapaevsk, mais tu auras une idée des événements.” Quandje me souciais de savoir pourquoi je devrais m’intéresser à la question, il me répondait: « Pourquoi te faut-il une raison? Pour connaître l’histoire. “J’allai voir La Jeune Garde et je n’aijamais oublié les puits de mine dans lesquels on jetait des gens dans le film. À propos de latombe, il disait qu’il se souvenait précisément de l’endroit, mais qu’il n’y avait aucune trace.

Ce fut plus tard seulement que je commençai à me demander comment tout cela était possible. Si ce garçon avait été témoin par hasard d’un certain épisode, il aurait aisément puperdre le contrôle de lui-même et crier ou manifester sa présence d’une manière ou d’uneautre. Pour tout connaître depuis le début (Tobolsk, la maison Ipatiev) jusqu’à la fin (le sited’ensevelissement), il avait dû prendre part lui-même à tous ces événements. Se pouvait-ilqu’il y ait eu plusieurs enfants? Sans compter qu’il aurait fallu qu’ils soient tous estropiés. Combien d’enfants avec la même atrophie, au pied gauche, auraient pu se retrouver au même moment au même endroit de sorte que l’un ait assisté à l’exécution, un autre ait vu laroute où l’on transporta les corps, etc. Ce qui voulait dire qu’il n’y avait qu’un seul garçon! De plus, il n’existait aucun document écrit relatif aux détails dont il nous faisait part. La presse officielle se gardait bien d’en parler ou de populariser l’affaire et il n’était pas questionde se documenter sur le sujet dans une bibliothèque. C’est d’ailleurs la raison pour laquelletout cela resu gravé dans ma mémoire. Père évoquait ces événements quand la conversation portait sur les tsars et l’Histoire de sorte qu’ils se fixèrent dans nos cervelles. Il ne revenait pas sans cesse sur ces récits (il y aurait eu de quoi devenir fou à force d’en parler tout letemps). Il nous éleva avec beaucoup de compétence et de sensibilité, éupe par étape, pas àpas. Il parlait avec prudence de ce qui lui était arrivé, afin que l’histoire se grave dans nos mémoires, par petites touches. Il ne s’étendait jamais sur la révolution. Néanmoins, il préci-sait que les gens avaient cassé, détruit, tué beaucoup de monde et anéanti tout ce que lepeuple russe avait créé parce qu’ils avaient perdu la foi en Dieu.

Père disait que les Strekotine aimaient profondément le garçon. Ils lui parlaient à travers la barrière et échangeaient des mouchoirs et d’autres menus objets avec lui. Ils étaientissus d’une famille d’ouvriers, des soldats ordinaires de l’armée rouge provenant du front d’Orenboutg. L’un d’eux, Andrei, périt sur l’Iset durant la retraite de Bliukher et de Kachirine vers Perm, le 18 juillet 1918. Selon mon père, l’onde Sacha Strekotine racontait que ce jour-là, Andrei avait eu une prémonition. Il avait dit: « La mélancolie m’engloutit. Ils vont me tuer aujourd’hui, Sacha.” Les deux frères avaient tout juste eu le temps de se dire adieu. Andrei avait levé la tête trop haut hors de la tranchée et une balle perdue l’avait atteint enplein front. Je demandai à mon père comment les Strekotine avaient réussi à rester en vieaprès avoir sauvé le tsarévitch. D’après lui, ils s’étaient enfuis dans la forêt avec Bliukher, ettout le monde les avait oubliés. Sous le commandement du fameux héros de guerre, Kachirine, la brigade avait quitté Iekaterinbourg le 18 juillet 1918 pour parvenir jusqu’à Perm. Le 12 août 1918, Bliukher avait rejoint Kachirine dont il devint l’aide de camp. Une autre coïncedence me troublait: dans notre village, il y avait des Kachirine qui s’étaient occupés de nous lorsque nous étions enfants. L’essentiel de la famille vivait dans le village voisin, mais ils venaient voir mon père et lui donner un coup de main.

Lorsqu’il parlait du rôle joué par les Strekotine dans le sauvetage du tsarévitch, mon père indiquait très dairement qu’ils avaient eu l’aide des services secrets tsaristes. De fait, àpartir d’avril 1918, l’académie de l’État-major général avait été transférée à Iekaterinbourg. La plupart des officiers qui y faisaient leurs études avaient déjà pris part à la guerre, et naturellement, que l’enfant s’appelât Alexis Romanov ou Vassili Filatov, il n’était pas nécessaire de leur prouver quoi que ce soit pour la bonne raison qu’ils connaissaient son visage. À encroire mon père, à Iekaterinbourg, on échangeait des informations par signaux à bras depuis le grenier, en utilisant une bougie que l’on « allumait” et « éteignait” tour à toura vec la main. À ce sujet, mon père nous apprit aussi le morse. Il disait que le plus important dans cet alphabet, comme en musique et pour les signaux à bras, était la notion de pause, que le code morse avait été largement introduit en Russie et que les navires impériaux s’enétaient servis les premiers. Il ne nous dévoila rien sur les gens avec lesquels ils communiquaient par ce système, mais il nous montra plusieurs photographies. Je me souviens qu’il adorait les films d’espionnage, et quand nous les regardions ensemble, il attirait toujours notre attention sur leur savoir et la discrétion dont il fallait à tout prix faire preuve pour ne pas révéler ce qu’on devait taire.

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