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Les Rejetés
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Les Rejetés


Din finit par obtempérer.

« Rien du tout. Ça sent juste la mousse.

— Précisément ! L’urine masculine finit par sentir comme celle des chats si tu l’emballes de la sorte, mais celle de ton père non. Elle ne contient donc pas de substance pouvant pourrir. On peut encore une fois en conclure que le sang de ton père n’est que de l’eau. Lorsque ton sang n’est que de l’eau, tu ne peux pas survivre longtemps. C’est logique, non ? Le sang transporte tout ce qu’il y a de bon dans le corps entier, mais ton père n’en a plus, et c’est pour ça qu’il est en permanence aussi faible ! Rentre à la maison. Vérifie s’il est déjà trop tard ou non et, s’il est encore parmi nous, reviens me chercher avec votre scooter. Dépêche-toi, allez ! »

Din se précipita dehors et en direction de la maison familiale.

Tandis que sa petite-nièce allait vérifier l’état de son père, Da commença déjà à se préparer à partir, car elle savait dans son cœur que son Heng n’était pas encore mort ; du moins pas entièrement. Elle sélectionna quelques herbes qu’elle plaça dans un sac, s’aspergea le visage avec de l’eau, attacha ses cheveux au moyen d’un foulard pour se prémunir contre le vent lors du trajet en motocyclette, puis elle sortit attendre que Din revînt.

Quelques minutes plus tard, celle-ci fut de retour dans un nuage de poussière.

« Vite, Tantine. Maman a dit de se dépêcher car il est sur le point de mourir. »

Da grimpa sur le véhicule en amazone, comme une dame se devait de le faire, et elles se mirent en route, les longs cheveux de Din fouettant douloureusement son vieux visage malgré ses tentatives d’esquive. Dès qu’elles arrivèrent, la Chamane sauta prestement du véhicule. Elle était peut-être vieille, mais toujours agile. Elle fut rapidement conduite dans la demeure.

« Merci d’être venue si vite, Tante Da. Il est dans la chambre.

— Oui, je me doute qu’il n’est pas en train de tenir compagnie à ses chèvres ! »

Elle souleva la moustiquaire et s’assit près de la tête de son neveu, sur le sol de bois. Elle inspecta d’abord sa peau, puis ses cheveux, ses lèvres, et ouvrit pour finir ses yeux et y plongea son regard.

« Mmm, je vois… Montrez-moi ses pieds ! »

Wan se dépêcha de découvrir les pieds de son époux, et Da se pencha sur ces derniers et les serra dans ses mains en les observant de près.

« Mmm. Je n’ai jamais vu un cas aussi sérieux d’absence de substance dans le sang. Est-ce que j’ai la permission de dire à tes enfants quoi faire pendant un moment ? Parfait. Je serai bientôt de retour. Relève la tête de ton mari avec quelques coussins. Je vais dire à Din de t’aider pendant que Den m’aidera moi.

— Oui, chère Tante, bien sûr. Tout pour aider mon cher Heng.

— Bien. Voyons ce qu’on peut faire, d’accord ? »

Sur ces mots, elle se remit debout et se rendit au rez-de-chaussée.

« Din, va aider ta mère. Den, tu viens avec moi. Nous devons agir rapidement et avec précision.

Din disparut en un battement de cils et Den s’enquit de ce qu’il pouvait faire.

— Va me trouver votre coq le plus robuste ! Vite, mon garçon ! »

Lorsqu’il revint avec la volaille sous le bras, Da la lui prit.

— Maintenant, attache votre bouc le plus costaud à un poteau, si serré qu’il ne pourra absolument pas bouger – peu importe s’il est debout ou assis. »

Alors que Den repartait, Da monta sur le bord de la table, égorgea le coq, l’exsanguina au-dessus d’un bol, puis jeta son corps sans vie dans une corbeille à légumes posée là avant d’à nouveau se rendre à l’étage.

« Din, dit-elle en arrivant dans la chambre. Est-ce que vous avez du lait de chèvre ou d’une quelconque sorte au réfrigérateur ? Si non, prends une cruche et va s’il te plaît en chercher du frais, ma fille. »

Elle n’eut pas besoin de lui dire de se dépêcher ; elle était déjà partie.

« Bien. Wan, est-il réveillé ?

— Pas vraiment, chère Tante. À moitié.

— D’accord. Pince son nez pendant que je lui fais avaler ce sang. »

Elle serra sa mâchoire fermée avec son pouce et son majeur afin de l’ouvrir, pencha sa tête vers l’arrière, et déversa quelques gorgées du sang de poulet dans sa bouche. À la manière dont il toussota comme une voiture à essence dans laquelle on aurait versé du gasoil, Da supposa qu’environ la moitié en était descendue par la bonne voie.

Heng ouvrit légèrement les yeux.

« Qu’est-ce que vous me faites, bande de sorcières ? murmura-t-il. C’est horrible !

— Ah, c’est bien ce que je pensais, dit Da en lui en faisant avaler encore un peu plus. C’est trop riche. Il va falloir l’y habituer progressivement. »

Din reparut et annonça : « Du lait frais, directement depuis les pis de Fleur, notre meilleure chèvre. »

Da le lui prit, le mélangea à parts égales avec le reste du sang, et fit avaler la mixture à Heng de la même manière que précédemment et avec le même résultat, quoi qu’avec un peu plus de résistance.

« Regardez ! s’exclama-t-elle. Il commence déjà à regagner des forces ! Heng essaye de nous résister ; il lutte. Tout n’est peut-être pas encore perdu ! Bien ! Wan, continue à lui administrer le lait, mais gardes-en la moitié. Je reviens d’ici quelques minutes. »

Elle descendit et appela Den.

« Le bouc est prêt ?

— Oui, Tantine. Il est là.

— Parfait. Viens avec moi. »

Da pratiqua une incision au niveau de la jugulaire du bouc avec son canif aiguisé et préleva quelques centaines de millilitres de sang.

« Tu as bien vu comment j’ai fait ça, mon garçon ? Essaye de t’en souvenir, car je pense que vous allez devoir le faire tous les jours à partir de maintenant. »

Ils regagnèrent tous deux la chambre et furent surpris de trouver Heng en conversation avec son épouse et sa fille, comme un patient d’hôpital après une anesthésie générale – groggy, faible, hésitant, mais cohérent.

Da mélangea la moitié du sang de bouc avec le lait restant, mais lui en donna d’abord un peu de non coupé à essayer.

« Oh, Tantine, c’est dégoûtant ! Oh, bon sang…

— Essaye ça alors, lui dit-elle en lui tendant un verre rempli d’un liquide rosâtre.

— Oui… C’est pas mal… Qu’est-ce que c’est ? Je sens que ça me fait déjà du bien.

Heng but le contenu du verre avec avidité.

— C’est un, euh, milkshake aux herbes… C’est bon, non ?

— Oh oui, Tantine, délicieux… Très rafraîchissant. Tu en as encore ? »

Wan consulta la vieille Chamane du regard, et celle-ci acquiesça. Wan prépara alors un nouveau verre et aida son époux à le boire.